Bilan 1er Semestre 2025 par Marine : où en est-on à la Patisserie Numerique ?
"(Constance Teyssier) : - Quoi que, j'ai vu qu'on pouvait imprimer des desserts avec une imprimante 3D.
- Ah ouais ?
(Emmanuel Teyssier) : - Oui cela te fait des biscuits ou des fonds de tarte... mais on est très très loin d'un dessert signature.
(Constance Teyssier) - Ah moi ce que j'ai vu c'était assez bluffant, attends regarde
- Fais voir, non mais attends c'est hyper design, j'adore !
(Emmanuel Teyssier) : - Ca ? C'est pas de la cuisine, c'est de la déco ... cela n'épate personne...
(Constance Teyssier) - MOI, cela m'épate. Et il y a de plus en plus de chefs qui s'y mettent. Tu devrais peut être investir dans une imprimante 3D si tu ne veux pas louper le coche."
Ce dialogue est issu d'un épisode de "Ici Tout Commence" la série quotidienne sur TF1 qui se déroule dans une école de gastronomie. Le professeur Emmanuel Teyssier se montre dubitatif mais son épouse et son amie sont enthousiastes en parlant.. de notre imprimante 3D.
Ma formidable équipe m’a fait la surprise de diffuser cette séquence pendant une réunion : nous étions tous heureux de voir notre imprimante 3D culinaire évoquée… comme si c’était un outil normal. Une simple réplique, un clin d’œil, rien de spectaculaire — mais pour moi, un vrai moment de bascule.
1. De la fiction à la réalité : un moment de bascule
J’ai ressenti un sentiment de victoire et de fierté.
(Attention le passage qui va suivre est un pur moment de Génération X !)
Cela m’a rappelé mon passage chez SFR en 2001, à l’époque où nous étions en train de lancer le service des SMS et où nous avons inventé le mot « texto ». Je pense qu’en tant que marketer, c’est un des plus beaux compliments que de voir le nom qu’on a inventé devenir un mot commun. En regardant cette séquence, j’ai eu le sentiment de vivre ce même type de compliment.
Ce moment me semble le symbole d'un changement de perception. Ce qui a changé, c’est que notre imprimante 3D culinaire n’est plus regardée comme un gadget fumeux ou une idée farfelue. Elle est perçue pour ce qu’elle est : l’outil ultime de l’innovation pâtissière.
Depuis que je fais de l’innovation, je trouve que c’est intellectuellement l’un des métiers les plus difficiles du monde. Il faut faire comprendre aux gens qu’ils ont un besoin dont ils n’ont pas encore conscience. Mais c’est aussi un des plus beaux métiers, car il est jalonné de moments pépites comme celui-là.
Si j’ai choisi de refaire un article RETEX seulement 7 mois après le précédent, c’est pour reconnaître que l’innovation, c’est long — mais que ça vaut chaque minute. Car créer un marché, c’est l’une des expériences les plus puissantes et les plus fun de l’entrepreneuriat.
2. L’innovation, ce sport d’endurance
On dit souvent qu'il faut avoir de la chance pour créer une entreprise à succès. Moi, j’ai eu la chance dès le début d’être perçue comme une personne crédible. Mon CV parlait pour moi : je suis une dinosaure de l’impression 3D (j’ai commencé en 2011), j’ai dirigé une startup de cette industrie rachetée par BASF. Mais mon handicap, c’était de ne pas venir du milieu de la boulangerie-pâtisserie. Même avec mon CAP en poche, j’ai été regardée comme une OVNI.
L’arrivée de La Pâtisserie Numérique a déclenché autant de peur et de rejet que de curiosité. Curiosité et enthousiasme de la part des professionnels de l’innovation, c’est certain — mais ce n’est qu’un tout petit microcosme. L'accueil du secteur a été beaucoup plus froid, avec des attitudes passant du rejet agressif ("vous inventez une machine pour détruire mon travail") à la moquerie bienveillante ("mais quelle drôle d'idée avez-vous eu là ?").
Si je devais vous partager quelques anecdotes symptomatiques de l'attitude du secteur dans nos premières années, je pourrais vous citer ces 2 exemples.
En 2022, nous recevons un grand patron de la filière boulangerie-pâtisserie industrielle, à la fin de la démo il m’avait affectueusement surnommée « la Géo Trouvetout au féminin », une façon de dire que je savais inventer des choses, mais que j’étais sûrement complètement à côté de la plaque.
Je me souviens aussi de la sidération du présentateur des Pépites de la Boulangerie au Sirha en 2023, quand nous avons reçu le prix. Il ne comprenait même pas ce qu’il lisait à propos de nous. Il n’y croyait tout simplement pas.
3. Du déni à la résistance : le déclic QVEMA
Encore un truc de Génération X, je vais vous parler d'un modèle du changement mis au point dans les années 80 !
Connaissez vous la courbe de deuil du Dr Elisabeth Kübler-Ross ? Il détaille les différentes réactions face à un deuil (déni, colère, dépression, acceptation, sérénité) et il a été ensuite adapter à la conduite du changement au sein des entreprises par les chercheurs Cynthia Ross et Dennis Jaffe.
Cela se traduit par ce type de schéma que je me suis permis d'emprunter à ce billet de blog sur le sujet.
Le moment charnière a été notre passage dans Qui veut être mon associé ? — et surtout, le fait d’y être accompagnée par Monsieur Hermé. Là, les gens se sont dit qu’ils devaient se positionner « pour » ou « contre » nous. Si on reprend la courbe du deuil d’Elisabeth Kübler-Ross, nous sommes passés à ce moment-là de la phase de déni à la phase de résistance.
Mais cette résistance a été féconde : elle s’est manifestée par des objections concrètes (enfin!). Les chefs m’expliquaient pourquoi notre imprimante 3D ne pouvait pas leur convenir : goût pas assez consensuel, productivité trop faible, pièces trop rugueuses, coût de revient trop élevé… Et ça, c’était formidable. Cela nous a permis d’orienter notre R&D pour lever un à un ces points de friction. C’est devenu tout à coup plus facile.
J'en profite pour écrire que ces étapes auraient été impossibles sans toute l'équipe de la Pâtisserie Numerique et que chaque jour me démontre à quel point nous sommes une entreprise de deeptech, basée sur la R&D et notre capacité à faire de la science pour questionner nos résultats précédents.
4. Sur la courbe du changement : où en est-on ?
Je crois que la séquence diffusée dans la série TF1 illustre parfaitement notre position actuelle. Nous sommes en plein dans cette phase de résistance, mais nous voyons de plus en plus apparaître les premiers Acheteurs, au sens de la COS :
Les Acheteurs : conscients de la nécessité de changer, impatients d’essayer.
Les Plaignants : conscients des problèmes, mais sceptiques sur les solutions.
Les Visiteurs : ils ne voient aucun problème, restent poliment passifs.
Toute ma question en tant que CEO est : que dois-je mettre en œuvre pour arriver à la phase d’exploration ? Comment aider les Plaignants à quitter le monde des problèmes pour entrer dans celui des solutions ? Et surtout : comment intéresser les visiteurs à une solution alors qu’ils ne voient même pas le problème initial ?
Heureusement, je sais pouvoir compter sur les Acheteurs. Mais en tant que startup, je ne peux pas me contenter d’eux. Nous n'avons pas des capitaux infinis, nous devons courir vite. Il n'y a pas le choix : nous devons aussi embarquer les autres si on veut créer un vrai marché.
Sommes-nous sortis de la vallée de la mort ?
Je pense que oui. Pour moi, un signe très clair est qu’un distributeur français a décidé de lancer une autre imprimante 3D dédiée au chocolat. Si on a un concurrent, c’est que le marché existe.
Un autre indicateur fort : certains de nos premiers clients souhaitent aujourd’hui s’équiper d’une deuxième machine. Et surtout, pour eux, Patiss3 est devenue un outil central de leur offre produit. Ce sont eux qui démontrent, jour après jour, que notre machine permet de créer un business rentable.
5. Ce qu’on a sous le pied (et ce qui s’en vient)
Quand nous avons tourné QVEMA, Monsieur Hermé a dit que pour lui nous n’avions même pas réalisé 25 % de notre innovation. Il a ajouté que ce n’était pas un problème : l’iPhone a été lancé avec seulement 15 % de ses fonctionnalités.
Le mois dernier, nous avons tourné ensemble une séquence pour une autre émission. Même enthousiasme de sa part. A la fin, la journaliste m’a dit : « On a l’impression que c’est lui qui y croit plus que toi. » (...) Ce nouveau tournage a été un de ces moments pépites que j'affectionne — un caillou précieux que je garde dans ma poche pour les jours où je doute.
Alors jour après jour, nous progressons dans le déploiement des fonctionnalités de notre "iphone de la pâtisserie". Je ne peux pas tout dévoiler, mais voici quelques nouveautés déjà accessibles :
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un logiciel automatisé pour générer des biscuits sur mesure, sans aucune compétence 3D,
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de nouvelles recettes, testées et prêtes à l’emploi,
-
une station de déballage et de finition des biscuits pour automatiser encore plus…
Vous pouvez les voir en fonctionnement dans le teaser que nous avons publié sur les réseaux sociaux. Et il y a encore de très belles choses à venir.
6 - L’innovation est un muscle (et une responsabilité)
Cela fait six ans que j’ai commencé l’aventure de La Pâtisserie Numérique. Cela serait mentir que de dire que je n’ai jamais douté. Certains soirs, j’ai eu envie de tout raccrocher. Mais je suis bien contente de ne pas avoir mis ma menace à exécution !
Pourquoi ? Parce que jour après jour, ma conviction se renforce : nous avons entre les mains un déflagrateur d’habitudes. Une innovation juste, durable, capable de secouer une vieille industrie particulièrement fière de son statu quo au nom de la tradition.
Comme je l’écrivais dans un précédent article : La Pâtisserie Numérique a le grand pouvoir de faire évoluer un métier. Et avec les grandes capacités viennent aussi de grandes responsabilités.
7 - Ce n’est que le début
Je ne veux pas donner le sentiment dans cet article que tout est rose. Il me reste un million de façons de planter cette entreprise, largement plus de chance que d'en faire un succès. Je reste concentrée avec toute l'équipe, car il y a encore énormément à faire.
Mais je tenais à partager ce moment avec tous les innovateurs — et avec tous ceux qui nous suivent depuis le début. Cette année, nous sommes passés de « ça va peut-être le faire » à « c’est là ». Et ça a pris 5 ans. Alors si vous êtes vous aussi en train de créer un nouveau marché : soyez patients.
Je remercie :
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ceux qui me suivent depuis le début,
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ceux qui y croient parfois plus que moi,
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nos premiers clients, qui ont accepté de co-construire avec nous une solution encore plus adaptée à leurs besoins et ceux de leurs collègues,
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et tous les professionnels sceptiques — poliment ou franchement, qui m'ont permis de les écouter et de chercher comment les convaincre.
Je vous promets qu’on va encore beaucoup s’amuser. Nous vous avons concocté des fonctionnalités renversantes, qui vont changer vos habitudes. Et à tous les résistants au changement : rendez-vous sur les salons de l’automne, vous pouvez compter sur nous pour tenter d’ouvrir vos chakras.
8 - À venir : l’exploration… puis la révolution
Le prochain défi, si on s’en tient à la courbe de Kübler-Ross, c’est de passer de la résistance à l’exploration. Et de trouver ce fameux déclic, ce point de bascule.
Je suis convaincue que ce déclic peut être collectif. Et si nous y arrivons, alors ce ne sera pas seulement une révolution technologique… Ce sera une nouvelle histoire de la pâtisserie.
Merci de m'avoir lu jusqu'à là. N'hésitez pas à vous abonner à notre newsletter si vous voulez découvrir ce que nous vous concoctons pour les semaines à venir.
Sur ce, je retourne réduire à néant les craintes et les freins des chefs comme Emmanuel Teyssier dans la série de TF1.
A bientôt pour la suite
Marine