Imprimer en 3D sur de la nourriture : 3 ans d'expérimentation et 50 matériaux plus tard...
Un résumé de 3 ans d'expérimentation de l'impression 3D sur de la nourriture avec 50 matériaux différents.
Depuis la création de la Pâtisserie Numérique en 2019, j'ai passé de (très) nombreuses heures à imprimer en 3D de la nourriture et elle-même souvent sur de la nourriture ! Dans cet article, je vous partage mes conclusions et certaines de mes recettes. J'espère que cela pourra aider ceux qui impriment déjà et donner envie à ceux qui hésitent à se lancer !
J'écris aussi cet article car cela fait maintenant plus d'un an, que j'ai eu entre les mains le premier prototype de Cakewalk 3d. Cet outil a été l'occasion pour moi de faire facilement de l'impression 3D alimentaire selon mes envies. Et de tester jour après jour des matériaux et des supports adaptés pour recevoir, supporter, ainsi cuire de la nourriture imprimée en 3D.
Simplifier l'impression 3D alimentaire
Cakewalk 3d est un extrudeur culinaire qui vient se fixer sur de nombreux modèles d'imprimantes 3D personnelles. Cela permet de réaliser de l’impression alimentaire avec sa propre imprimante 3D et pour un petit budget !
Ce produit est né d'une frustration liée aux alternatives existantes sur le marché. Je souhaitais un produit parfaitement aux normes alimentaires, facile à nettoyer et désinfecter et sachant gérer la rétractation.
Les difficultés d'extruder un matériau
Si vous avez déjà extrudé un matériau visqueux, par exemple en utilisant une poche à douille, ou si vous avez déjà observé du miel en train de couler, vous savez donc que ce comportement n'est pas linéaire. Le matériau ne s'écoule pas immédiatement au démarrage de la pression (ou de la tombée de la cuillère). Et il ne s'arrête pas immédiatement de couler quand on arrête l'effort de pression (ou qu'on remonte la cuillère).
Calculer la latence d'extrusion et de rétractation d'un matériau visqueux extrudé par un système de piston est archi-compliqué à intégrer dans un logiciel de slicing d'impression 3D. J'y ai passé des heures et des heures en 2019 ! Avec l'équipe, nous avons cherché des solutions logicielles et des solutions mécaniques. Le développement mécanique est devenu Cakewalk 3d.
Voilà, je tenais à vous expliquer l'origine du produit. Car avant de créer et d'utiliser Cakewalk 3d, j'ai beaucoup imprimé en 3d de la nourriture avec des systèmes de pousse-seringues. Je fait des impressions 3D de matériaux comestibles depuis juillet 2019, juste après avoir passé l'examen de CAP Pâtisserie.
Il est maintenant temps de rassembler mes conclusions et mes astuces pour faire des impressions 3D réussies sur des aliments.
Protéger son imprimante 3d : les bons matériaux
Comme beaucoup de débutants dans l'impression 3D alimentaire, j'ai voulu commencer par le chocolat. Rétrospectivement, je sais que c'est une erreur mais cela m'a appris tout de suite une chose. Quand on imprime en 3D de la nourriture, on peut très vite salir son imprimante 3D et tout ce qu'il y a autour !
Le tapis silicone et les feuilles de papier cuisson
J'ai commencé à travailler avec une imprimante 3D fabriquée maison qui disposait d'un plateau en bois... je vous laisse imaginer pour nettoyer le chocolat ! Le tapis silicone a été mis sur le plateau dès le 2e jour. Je me suis mis à travailler avec les feuilles de papier cuisson dès la première semaine.
Je pense que cela vient d'une habitude de pâtisserie. En labo, les feuilles de papier cuisson sont omniprésentes et on écrit souvent dessus. Par conséquent, c'était la bonne solution pour imprimer et conserver les variables du test effectué.
La feuille de papier cuisson a une épaisseur constante. C'est très pratique pour calculer la valeur précise de décalage en Z. Sa surface est légèrement cirée ce qui ne convient pas forcément à tous les matériaux. Pour être certain d'accrocher, je vous conseille d'écraser votre première couche.
Comme le papier cuisson est léger on peut le déplacer d'un coup sec d'une surface à l'autre sans abimer l'impression 3D. Si vous cherchez une solution plus durable, je vous conseille le tapis silicone. Souvent, il a une surface plus adhérente que le papier cuisson mais il est plus souple, plus lourd. Parfois il est difficile de le déplacer sans casser la pièce.
Ces deux matériaux supportent un environnement de cuisson ou de congélation. Quand j'utilise un déshydrateur pour cuire à basse température l'objet imprimé, je préfère utiliser le papier cuisson. Je m'autorise à le recouper autour de la forme 3D afin de laisser le maximum d'air circuler tout autour.
Quand vous imprimez en 3D du chocolat, je vous recommande d'utiliser des feuilles guitare. Ce sont des feuilles de polyéthylène qu'on trouve dans les magasins pour professionnels ou bien sur internet. Cela facilite vraiment beaucoup le décollage.
Enfin pour réaliser un décor imprimé en 3D décollable du papier cuisson (ou du silicone / feuille guitare) je vous conseille une hauteur minimale de 2 mm.
PS : dans tous les kits Cakewalk 3d, nous avons intégré un tapis silicone gradué, hyper pratique pour protéger son imprimante 3D et positionner son plat avant l'impression !
Les difficultés d'imprimer en 3D sur de la nourriture
Maintenant qu'on a parlé des matériaux non comestibles (que je vous conseille de toujours installer entre le plateau de votre imprimante 3D et vos aliments); je vous propose de passer au niveau supérieur de difficulté.
Imprimer sur des aliments, c'est accepter de travailler avec une surface qui ne sera pas forcément parfaitement plane. Une surface qui peut changer de forme à la cuisson. Et enfin, une surface qui va interagir avec le matériau imprimé. Quelque chose d'hyper simple vous voyez !
Après toutes les impressions 3D alimentaires réalisées, je dois dire que je préfère travailler sans cuire après pour limiter la variation de mon design. La netteté et la lisibilité sont importants en pâtisserie et donc une impression 3D sans cuisson correspond mieux à mon travail.
Mais ce choix est libre à chacun et pour la vidéo de présentation de Cakewalk 3d j'ai expérimenté beaucoup de messages imprimés sur des recettes cuites.
Quelques conseils pour débuter
- Pour choisir vos aliments de support, je vous conseille de travailler avec des aliments moelleux que votre buse pourra facilement déchirer si jamais elle doit venir "taper" dedans.
- Avant de démarrer les réglages de votre impression, je vous conseille de vérifier l'horizontalité de votre nourriture support avec un niveau à eau. C'est vraiment utile pour les grosses pièces comme les gâteaux et les tartes.
- Egalement, je vous conseille de régler le décalage en Z de votre imprimante sur la plus petite hauteur si votre aliment n'est pas complètement plat. Pendant l'impression, c'est plus facile de rattraper une couche enfoncée qu'une couche déposée "dans les airs".
- Quatrième conseil : si vous imprimez sur une tarte / une quiche, pensez bien à râper la croûte extérieure pour qu'elle soit à la même hauteur que votre garniture. Votre slicer peut faire bouger la tête d'impression avec des mouvements brusques et inimaginables. Voir ma tarte bouger de 5 cm sur le plateau m'est arrivé de nombreuses fois avant de réaliser des tartes vraiment planes !
- Enfin, si vous cherchez la répétabilité de votre mise au point, je vous conseille d'imprimer en 3D sur des produits de l'industrie agro-alimentaire plutôt que ceux faits maison ou de votre artisan. Entendons-nous bien : les qualités nutritionnelles de votre plat seront probablement très diminuées. Mais une tranche de pain de mie industrielle est calibrée en épaisseur et vous avez plus de chances d'en trouver des identiques dans le paquet !
Après ces conseils généraux, je vous détaille certains résultats d'imprimer en 3d sur de la nourriture.
Imprimer en 3D sur des aliments et cuire
Dans cette partie, je vous explique certaines de mes expériences et ce qui a bien fonctionné, n'a pas fonctionné. J'espère que cela vous permettra d'avancer dans votre pratique d'imprimer en 3D sur de la nourriture !
Le pavé de saumon surgelé
Ce pavé de saumon m'a tout de suite fait les yeux doux. Je lui trouvais pleins d'atouts : une surface relativement plane, dure grâce à la congélation et une variation de forme limitée à la cuisson. Le matériau à imprimer : du cream cheese et de la moutarde. Cuisson au four après l'impression 3D.
Cela s'est révélé une catastrophe car :
- la surface surgelée rend des goutelettes d'eau qui font glisser le matériau pendant l'impression 3D,
- le cream cheese a completement fondu à la cuisson rendant le design illisible.
Fin de l'idylle, depuis je suis passée à l'impression 3D sur tranches de saumon fumé !
La tortilla (crêpe de maïs ou de blé)
C'est un bon support pour une impression 3D car la surface peut se déchirer si nécessaire pendant les variations de hauteur. Voici ci-dessous la photo de l'impression de guacamole depuis mon imprimante 3d Anet 8. Après cuisson au four le message reste lisible.
La quiche
L'appareil à quiche est une préparation très liquide, souvent recouverte de fromage râpé. Et les bords de la pâte sont parfois plus haut que la préparation versée au milieu. Pour imprimer en 3d sur de la quiche, je vous avoue que j'ai dû un peu tricher. J'ai fait précuire la quiche et comme cela :
- la surface de fromage rapé est devenu plus lisse et régulière
- l'appareil à quiche avait partiellement figé
- j'ai pu râper les bords de la pate pour qu'ils soient moins hauts.
Au final, le résultat est lisible mais c'est du boulot !
La pizza
Imprimer en 3D de la pizza, c'est le rêve de tous les makers depuis le projet de la NASA ! Pour mes tests, j'ai utilisé une pâte à pizza industrielle car cela me garantissait une épaisseur constante sur toute la surface. Puis j'ai étalé de la sauce tomate et j'ai voulu rajouter un message avec une préparation mixée au basilic.
Cela n'a pas du tout fonctionné car la sauce tomate faisait glisser le matériau imprimé et la pate à pizza a complètement changé de forme à la cuisson. Pour la video de Cakewalk 3d, j'ai imprimé sur une feuille de papier le message et déposé sur la pizza cuite.
L'omelette et les préparations aux œufs
Quand j'ai commencé à m'intéresser à la question des oeufs, j'ai tout de suite pensé au Tamagoyaki, l'omelette japonaise. La surface est légèrement bosselée si on utilise une natte de bambou mais cela fonctionne. Si vous souhaitez rester sur des saveurs occidentales, je vous conseille la tortilla espagnole, cela marche très bien comme vous pouvez le voir sur cette photo.
Les légumes en tranches
Je n'ai pas beaucoup expérimenté cette dimension de cuisson des légumes après impression 3D. Pour limiter les changements de surface à la cuisson, j'ai essayé
- des tranches de légumes grillées (courgettes) surgelées
- des tranches d'aubergines laquées au miso
Ces 2 recettes n'ont pas fonctionné, les surfaces se sont révélées trop glissantes. Avec un peu plus de recherche, je suis certaine que d'autres vont trouver la solution.
Le pain de mie
Enfin, je vous présente mon aliment préféré pour imprimer en 3d sur de la nourriture et la cuire. Un aliment tout simple qui se prête à de multiples recettes : le pain de mie ! La tranche de pain de mie présente une surface plate et souple, capable de se déchirer en cas de micro-relief. Les alvéoles de la mie sont serrées, ce qui fait que la première couche peut être légèrement absorbée mais l'écriture est très lisible dès la seconde couche.
Vous pouvez faire ainsi de très beaux pains perdus, croque-monsieur ou grilled cheese... J'arrête ici mon éloge du pain de mie pour passer à la seconde liste d'ingrédients.
Imprimer en 3d sur de la nourriture sans cuisson
J'ai passé la majorité de mes essais d'impression 3D sur de la nourriture prête à être dégustée, avec des matériaux qui ne nécessitaient pas de cuisson supplémentaire. Cela s'explique par mon travail de pâtissière, il m'a amené à tester des pâtes comme la meringue, la ganache, la gelée de fruits, des crèmes... Je n'ai pas oublié d'y ajouter mes essais en salé.
Les feuilles de gélatine
Ce n'est pas un matériau qu'on a l'habitude de déguster tel quel mais à l'été 2019 j'ai fait beaucoup d'essais d'impression 3d sur des films en gélatine. Cela a un intérêt en cuisine et en pâtisserie si vous souhaitez l'utiliser comme une surface de transfert à venir déposer sur un autre aliment. Faire flotter des messages dans une soupe par exemple...
Les feuilles de nori
L'algue Nori en feuilles se trouve facilement, elle est utilisée pour réaliser les makis dans la cuisine japonaise. C'est une surface très plate, qui accroche bien les matériaux. On peut aussi la découper dans des formes spéciales avant ou après l'impression, comme une feuille de papier. C'est un matériau que je recommande pour les débutants. Parmi toutes les algues séchées que j'ai cherchées en magasin, les feuilles de Nori sont les plus plates et les plus courantes. J'espère que vous les trouverez facilement.
Les poissons fumés en tranche
Après mes mésaventures avec le saumon surgelé, je suis passée rapidement au saumon fumé tranché. L'impression 3D sur du poisson fumé est possible mais je n'étais pas satisfaite. Je n'ai jamais obtenu la précision que je souhaitais. Si vous tentez l'expérience, je vous conseille de bien essuyer votre tranche de poisson fumé avec du papier absorbant pour retirer le film de graisse qui va gêner l'adhésion de votre première couche imprimée.
Les charcuteries en tranche
Comme pour les poissons fumés, la difficulté pour les tranches de charcuteries c'est le gras présent en surface. Vous ne serez donc pas surpris : mes meilleurs résultats ont été réalisés sur des viandes maigres : jambon blanc, jambon de dinde... Cela se trouve facilement en magasin et cela permet de ré-inventer des plats traditionnels comme le jambon-purée !
Les fromages en tranche
Je dois vous avouer que je suis une française très bizarre, je n'aime pas beaucoup le fromage ! Je n'ai donc pas fait d'essais avec des fromages à pâte dure déjà tranchés comme la raclette, le comté ou bien le cheddar. S'il ne fait pas trop chaud dans votre cuisine et que le fromage ne sue pas, en théorie cela doit fonctionner.
Passons maintenant à mes aliments préférés : le pain et ses dérivés, ainsi que le sucré !
Les crackers et les biscuits salés
Les crackers m'ont paru très vite des bons candidats car ce sont des biscuits qui lèvent peu pendant la cuisson. Mais en réalité, ils lèvent quand même un petit peu et c'est difficile de trouver des surfaces uniformes, même en achetant des crackers industriels. Ci-dessous un puzzle de crackers que j'ai réalisé sur des TUC.
Je l'ai aussi effectué sur des crackers au son d'avoine qui se sont révélés beaucoup moins plats qu'espérés !
Les crêpes et les pancakes
Les pancakes et les crêpes sont de très bons supports pour imprimer de la nourriture. Ils sont moelleux et légèrement humides, ce qui leur permet d'absorber le choc de la buse, et ils sont suffisamment accrochants. Je n'ai jamais essayé avec des produits achetés en magasin, ce sont toujours mes propres recettes. Je pense que cela fonctionnera aussi dans ce cas. Voici deux photos de pancakes avec des impressions 3d de pâte à tartiner et de chocolat.
Les biscuits sucrés
Comme pour les biscuits salés, mes espoirs ont été déçus avec les biscuits sucrés du commerce ou les biscuits maison. Avoir une surface plate est possible, mais elle est souvent friable et peut venir facilement boucher la buse. Ci-dessous un essai avec une galette du commerce où on voit que le résultat n'est pas très précis.
Si les biscuits sont glacés, alors vous n'avez plus de problème d'accroche sur la surface. Dans ce cas, vous n'avez pas d'autres choix que de les fabriquer vous-mêmes.
Le pain de mie et la brioche
Les pains briochés, le pain de mie, et les tranches de brioche sont de super candidats pour imprimer en 3D sur de la nourriture ! Car leur moelleux et leur densité leur permet d'absorber les chocs. Si vous travaillez avec un pain partiellement plat (par exemple un pain à hamburger) je vous conseille de le mettre sous un poids pendant 1 heure avant l'impression, c'est plus facile. Dans mes différents essais d'impression 3D de ketchup, le pain a repris ensuite sa forme progressivement.
Les cakes
Dans cette partie, je ne veux parler que des cakes de voyage, c'est à dire des préparations qui ne sont pas recouvertes de crème. Pour les layer cakes et autres pièces montées, ce sont les sections juste après !
Pour avoir un gâteau parfaitement horizontal, vous pouvez bien sûr fabriquer un gâteau puis le trancher et vérifier avec un niveau à eau. Si vous souhaitez garder le gâteau intact, vous avez intéret à vous tourner vers les biscuits contenant beaucoup d'oeufs. Muffins, génoise, dacquoise, biscuit à la russe et un biscuit pâte à choux ont bien fonctionné.
Les ganaches et les curds
Les tartes sucrées remplies de ganache ou de curd aux fruits font partie de mes desserts préférés. J'ai donc très très vite tenté et je suis vraiment contente des résultats. Pour tous les fans de chocolat, imprimer en 3D sur de nourriture comme la ganache réfrigérée est une expérience à ne pas manquer.
En effet, la ganache comme les curds se révèlent suffisamment souples pour être creusées par la douille en cas de surface irrégulière. Autre avantage : elles ne rendent pas d'eau, ce qui ne vient pas modifier le design après la phase d'impression.
La pâte d'amande et la pâte à sucre
Quand on réalise des pièces montées ou des entremets classiques comme le fraisier, on vient vite s'intéresser à la pâte d'amande et à la pâte à sucre. Cela permet aussi d'éviter de couper son gâteau à l'horizontal. On a juste à le recouvrir avec cette surface plane. Dans les 2 cas, j'ai voulu imprimer de la glace royale. Et à chaque fois cela a très bien fonctionné. Voici quelques photos :
Les glaçages
A priori les glaçages sont une autre bonne méthode pour masquer les irrégularités d'un gâteau et donc des candidats de choix quand on s'intéresse à imprimer en 3D sur de la nourriture. Les résultats de mes essais sont corrects mais moins précis que les impressions 3D réalisées sur pâte d'amande.
L'explication vient du changement de température du gâteau. Dans mes essais j'ai travaillé avec des entremets surgelés. Au fur et à mesure de l'impression 3D du décor, une condensation s'est formée à la surface rendant la dépose du matériau moins précise. Je n'ai pas essayé depuis avec un entremet seulement réfrigéré. Voici un exemple d'impression ratée de glace royale sur un Opéra (glaçage chocolat).