Innovation et Durabilité : Quel rôle les biotechnologies peuvent jouer dans notre alimentation ?
1. Biotechnologies et système d’agriculture et d’alimentation. ⚱️
On pourrait croire que c’est un sujet récent qui voit le jour avec l’évolution des connaissances et des technologies, pourtant c’est aussi vieux que …. L’humanité ! En effet, les biotechnologies étaient déjà utilisées à la préhistoire pour produire et conserver des aliments, via un procédé que l’on appelle aujourd’hui : la Fermentation ! Tout comme les biotechnologies – dont la définition est « l’application de la science et de la technologie à des organismes vivants, […] à leurs composantes, produits et modélisations, pour […] la production de connaissances, de biens et de services » - la fermentation utilise bien des organismes vivants (microorganismes) pour la production de produits alimentaires.
Mais pourquoi parler de Biotechnologie à La Pâtisserie Numérique ? On voit bien le lien avec l’alimentation et la pâtisserie et celui avec la technologie et notre Imprimante Culinaire, mais pourquoi s’intéresser à la biologie ?
C’est tout l’objet de cet article, qui pose la question de l’intérêt de l’utilisation des biotechnologies pour construire un système agroalimentaire durable, mais aussi de leurs limites.
Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à nous poser ces questions, puisque dernièrement nous avons pu assister à une table ronde organisée le 29 janvier par l’association des Alumni de SupBiotech, qui se posaient la question suivante : « Innovation Responsable : A-t-on besoin des Biotechnologies ? »
Modérées par Raphaël Massé, les interventions tournaient autour de trois secteurs :
- 💊La santé, représentée par Isabelle Buran, consultante RSE et Membre du Cercle Thématique Santé de l’Association The Shifters.
- 🌍L’environnement, représenté par Louis Cornette de Saint-Cyr, Enseignant-Chercheur et Entrepreneur travaillant sur la production d’engrais azotés biosourcés et renouvelables à partir de déchets organiques.
- 🥐L’agroalimentaire, représenté par Thibault Desbois, Animateur de la Fresque Agri'Alim, atelier qui vise à faire comprendre et réinventer nos modèles alimentaires, de la fourche à la fourchette.
Tout au long de la table ronde, les intervenants nous ont rappelé que lorsque l’on développe une technologie que l’on veut responsable, il faut toujours se poser deux questions :
- Innovation technique : Quels sont les bénéfices et les limites de cette technologie, ici les biotechnologies, dans la transition écologique ?
- Organisation sociale : Comment s'assurer que ces innovations soient intégrées de manière responsable, sans créer d'effets rebonds ?
L’effet Rebond et le Paradoxe de Jevons :
Qu’est-ce que l’effet rebond ? Il est illustré par Raphaël Massé au travers du Paradoxe de Jevons :
« Il (le paradoxe) a été théorisé par l'économiste et logicien britannique du même nom : William Stanley Jevons, qui étudiait les cours du charbon pendant la première révolution industrielle. Et à cette époque-là, James Watt invente une nouvelle machine à vapeur, beaucoup plus efficace, qui utilise moins de charbon pour faire les mêmes actions. Beaucoup de personnes, à cette époque, se disent que l’on va utiliser moins de charbon et son cours va décroître. Cependant, c'est exactement l'inverse qui s'est produit. Dans les 30 années qui ont suivi, la consommation de charbon a été multipliée par 10. Et en cause, la démocratisation de l'utilisation est venue compenser l'efficacité du produit, et on a multiplié les usages. Et en fait, c'est arrivé de multiples fois dans l'histoire de l'humanité. Si bien qu'on se retrouve maintenant en 2024, étant l'année la plus chaude et l'année où on a consommé le plus de charbon sur terre et le plus d'énergie. C'est ce qu'on appelle le paradoxe de Jevons, qui est un exemple de l'effet rebond. »
C’est là tout le principe de l’effet de rebond. En développant une technologie plus efficace et plus accessible, censée répondre à une meilleure gestion des ressources et réduire l’impact environnemental, l’adaptation des comportements sociétaux et l’augmentation de la consommation de cette innovation, va entrainer un inversement des effets bénéfiques et impacter encore plus l’écologie.
Et c’est cet Effet rebond que nous sommes en train de vivre au niveau de notre système alimentaire. Après une évolution massive des moyens de culture et d’élevage et une démocratisation d’une alimentation donnant de l’importance aux protéines animale, nous vivons l’effet rebond du progrès et de la standardisation, développés après la seconde guerre mondiale.
2. Un constat alarmant 🔔
Nous sommes actuellement plus de 8 milliards de personnes sur terre et d’ici 2050 la population mondiale avoisinera les 10 milliards. Une des questions les plus urgentes qui se pose est : comment nourrir tout ce monde ?
Il ne suffit pas de produire plus, puisque que le modèle de production et de consommation qui « nous sert à subvenir aux besoins vitaux de la population, auprès de tout le monde, s'avère aussi avoir exterminé 70% des vertébrés depuis les 50 dernières années et elle nous projette aussi à des scénarios de réchauffement climatique à plus de 3,1 degrés, qui mettent purement et simplement l'habitabilité de notre planète en jeu. », nous rappelle, Raphaël Massé.
En effet, de nombreuses études (IPCC, FAO, ADEME, INRAE, The Shifters, ONU, …) montrent que le système agricole et alimentaire actuel a un impact important sur l’environnement et les sociétés.
2.1. Impact Environnemental
2.1.1. Emissions de Gaz à Effet de Serre (GES)
- 🌽Le secteur agricole représente environ 20 % des émissions de GES en France, en étant le troisième secteur le plus émetteur après les transports et l'industrie.
- 🐮La production de viande, notamment bovine, est particulièrement polluante avec plus de 10 kg de CO₂ équivalent par kg de produit, contre 1 kg de CO₂ pour les produits végétaux (légumes, céréales).
- Seuls la volaille et les œufs restent légèrement en dessous des autres produits animaux en termes d'empreinte carbone.
- 🌱Contrairement à certaines idées reçues, la majeure partie des émissions ne provient pas du transport ou de la transformation des aliments, mais directement de la production agricole. Cela s'explique par la forte dépendance de l'agriculture industrielle aux énergies fossiles, notamment via les engrais chimiques, les pesticides et la mécanisation.
2.1.2. Utilisation des Ressources Naturelles
- 💧Eau : L'agriculture consomme environ 70 % des ressources en eau douce dans le monde. La production de viande et de produits laitiers est très gourmande en eau.
- 🌱Terres : 80 % des terres agricoles mondiales sont dédiées à l'élevage (pâturages et cultures fourragères) alors que cela ne produit que 18 % des calories mondiales.
- 🌳Forêts : L'expansion des cultures (notamment de soja pour l'alimentation animale) est un moteur majeur de la déforestation, notamment en Amazonie et 80% de la déforestation dans le monde est liée à l’agriculture.
- ⚡️Énergie fossile : 80% de l’énergie utilisée en agriculture provient des énergies fossiles. La dépendance aux engrais chimiques, pesticides et à la mécanisation intensive accroît l'utilisation des énergies fossiles, contribuant au changement climatique.
2.1.3. Dépendances aux Intrants Chimiques
L'utilisation massive d'engrais et de pesticides a des effets néfastes sur :
- 🐵La biodiversité : disparition de 70% des vertébrés depuis les 50 dernières années due à la monoculture et l'utilisation intensive de pesticides détruisent les habitats naturels.
- 💧L'eutrophisation des eaux : dont 90 % est d'origine agricole et qui est causée par l’utilisation d’engrais azotés qui contaminent les cours d’eau et provoquent des zones mortes dans les océans.
-
🌱La dégradation des sols qui sont trop travaillés, pauvres en faune ou laissés nus. Ce qui laisse les sols de plus en plus appauvris et vulnérables aux phénomènes d’érosion et de tassement, ce qui met en péril la disponibilité des surfaces cultivables.
2.2 Impact sur les Sociétés et Economie
2.2.1 Injustice Sociale et Alimentation
- 🍅Les produits de qualité (bio, locaux) restent plus chers, créant une fracture alimentaire.
- 🍔L'alimentation ultra-transformée, souvent moins chère, est associée à des problèmes de santé (obésité, maladies cardiovasculaires, cancer).
2.2.1. Dégradation des Conditions de Travail
- 👨🌾Les travailleurs agricoles, notamment saisonniers, subissent souvent des conditions de travail précaires.
- 💲La spécialisation agricole et la pression sur les prix fragilisent les agriculteurs.
Ce qui incite les générations suivantes à ne plus reprendre les exploitations, empêchant un renouvellement du métier.
2.2.3. Dépendance liée à l'Importation et à l'Exportation
- ✈️L'Europe dépend largement des importations pour nourrir son bétail (soja d'Amérique du Sud), créant une vulnérabilité économique.
- 🛢Les marchés mondiaux permettent d’écouler les surplus de production agricole, mais ils accroissent la dépendance au pétrole, ainsi que la pression et la volatilité des prix agricoles, qui sont orientés par les cours des bourses de commerce.
Ce qui, au milieu du XXème siècle, semblait être un modèle de production efficace, a finalement généré de nouveaux problèmes : gaspillage alimentaire, perte de diversité, ultratransformation et perte de naturalité, dépendance à des moyens toujours plus impactants pour l’environnement… et qui menacent nos populations. Cependant, même si nous cherchions à régler ces problèmes, nous ne nous occuperions pas de leur source, il faut donc changer notre manière de produire et de consommer.
Mais pour cela, il faut en comprendre les origines. Nous considérons que nous vivons actuellement la 5ème grande transition alimentaire qu’à connu l’humanité, qu’en est-il des quatre premières ?
3. Vers une transition agro-écologique 🍀
La transition alimentaire désigne, dans son acception globale, le processus par lequel une société modifie sa manière de produire et de consommer des aliments.
3.1. Les Quatre premières Transitions Alimentaires
On considère que la première transition alimentaire est survenue il y a environ 400 000 ans lorsque l’on a commencé à utiliser le feu pour cuire les aliments.
La seconde est marquée par la domestication de certaines espèces végétales, notamment des céréales, il y a 12 000 ans en Mésopotamie. C’est aussi le début d’une forme de sédentarisation et de l’organisation de l’humanité en sociétés. Avec la création et l’utilisation d’outils, l’élevage et l’agriculture deviennent de plus en plus productif et on peu assurer une alimentation pour une population qui augmente. Les progrès et l’augmentation de la production par agriculteur libère des bras et il faut de moins en moins de personnes pour nourrir la population.
C’est ce qui entraine la troisième transition, il y a 5000 ans, avec la diversification des métiers (transformateurs, commerçants, …) et la création de grandes cités commerçantes comme Babylone.
Enfin la quatrième transition alimentaire s’est opérée autour du XIXe siècle en Amérique et du XXe siècle en Europe, pendant la révolution industrielle. Cela a permis l’intégration de l’alimentation dans un système économique établi et organisé autour de la production, de la transformation et de la distribution des aliments.
3.2. La Cinquième Transition Alimentaire
Cette transition a commencé au début du XXIe siècle et elle s’axe autour des problématiques en synergie avec la transition écologique et la transition énergétique.
Pour Thibault Desbois, voici les éléments importants à retenir et les pistes à envisager pour une transition vers une agriculture et une alimentation durable :
« Un des postes les plus les plus intéressants à garder et à travailler, c'est vraiment le tout ce qui va être produit avec des protéines. Passer des protéines animales à des protéines alternatives. »
3.2.1. Transition Agroécologique
- 🌱Promouvoir des pratiques agricoles durables : agroforesterie, rotation des cultures, réduction des intrants chimiques.
- ♻️Favoriser les circuits courts et l'agriculture biologique pour réduire l'empreinte carbone.
3.2.2. Systèmes Alimentaires plus Résilients
- 🥦Encourager une alimentation moins carnée et plus végétale pour diminuer l'impact environnemental.
- 🥗Créer des alternatives aux protéines animales en développant des innovations diversifiées comme l’utilisation de protéines végétales, les algues, les insectes, ou encore la fermentation de précision et l’agriculture cellulaire.
3.2.3. Sobriété et Changement de Modèle
- 📉Passer d'un modèle productiviste à un modèle axé sur la sobriété : produire moins mais mieux, réduire le gaspillage alimentaire.
- ⚖️Adapter la législation pour soutenir les innovations responsables et freiner les modèles nocifs (taxation des intrants polluants, régulation des publicités alimentaires).
La table ronde conclut que l’innovation technologique seule ne suffira pas. Il est crucial d'adopter une sobriété alimentaire, en réduisant la consommation de viande, en favorisant les protéines végétales et en repensant notre modèle agricole pour qu'il soit plus résilient et durable.
De plus, il faut comprendre que la solution viendra d’une approche systémique : une bonne alimentation raisonnée, permettra de vivre en bonne santé et donc de ne pas se reposer sur de nouvelles innovations médicales, elles aussi très impactantes pour l’environnement. En clair, tout est relié et tout à un impact sur le reste et sur l’environnement. Ces changements d’habitude passeront par la sensibilisation des consommateurs, pour orienter les choix alimentaires vers des options plus durables.
Dans les exemples donnés, notre attention s’est portée sur les alternatives aux protéines animales. En effet, dans le domaine des métiers de bouche et notamment de la pâtisserie, notre spécialité, ces protéines sont présentes dans la majorité de nos ingrédients : œufs, lait, beurre, crème, gélatine, …
4. Le rôle des Biotechnologies Alimentaires 🧬
Bien que les biotechnologies aient vues le jour dans le domaine de l’agroalimentaire, ce n’est que récemment que des innovations se développent dans ce domaine
4.1. La végétalisation de l’alimentation 🥗
Comme évoqué plus tôt, les ressources végétales ont un impact bien moindre sur l’environnement. Et en végétalisation notre alimentation, nous utiliserions moins de ces ressources pour nourrir les animaux, et pourrions récupérer une surface non négligeable de surface cultivable pour notre alimentation directe. Cependant cela ne règle pas la question de l’appauvrissement des sols ou l’utilisation d’engrais azotés. C’est pour cela que l’intérêt se porte aujourd’hui sur la culture des légumineuses. Ces plantes ont la capacité de fixer et convertir l’azote présent dans l’air, de l’utiliser pour leur production de protéines et d’enrichir les sols en azote. Ce qui en fait des plantes naturellement riches en protéines au même titre que la viande.
Afin d’adapter ces nouveaux ingrédients à notre alimentation quotidienne, de nombreuses entreprises se sont lancés dans la conception d’alternative à la viande, que l’on peut voir aujourd’hui dans les rayons de nombreux magasins. Pour ce qui est de la pâtisserie, les remplacements végétaux au lait existent déjà depuis longtemps, sans pour autant pouvoir remplacer nutritionnellement ce dernier. Mais ce qui a capté notre attention c’est l’utilisation de protéines végétale pour créer des substituts à l’œuf, comme le font Yumgo et Le Papondu !
C’est en s’inspirant de ces initiatives et de ces produits, que la pâtisserie à la possibilité de se végétaliser et d’avoir moins d’impact sur l’environnement. A La Pâtisserie Numérique nous avons aussi développé une version végan de nos recettes, que l’on peut imprimer sous n’importe quelle forme.
4.2. Les Insectes 🦗
Les insectes sont aussi une très bonne source de protéines. Ils contiennent un bon pourcentage de protéine, parfois autant que la viande et contrairement à elle, ils sont constitués de peu de lipides saturés. Leur élevage nécessite beaucoup moins de ressources, par exemple pour 10kg de nourriture issue de l’agriculture, on produit 1kg de bœuf, 3kg de volaille et 9kg d’insecte. Ce qui implique que les insectes demandent beaucoup moins de ressource en eau, pour produire la même quantité de protéine.
Cependant ce n’est pas un aliment qui a la vie facile. Bien que la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) se soit prononcée en faveur du développement d’élevage d’insectes et qu’ils soient déjà consommés par au moins 2 milliards de personnes, c’est un ingrédient qui rencontre peu de succès dans les cultures occidentales.
Qui sait peut-être qu’un jour ce sera chose commune et que nous retrouverons des pâtisseries fabriquées à base de farine d’insecte, peut être même qu’on en imprimera !
4.3. La Fermentation 🦠
4.3.1. La Fermentation Traditionnelle
La fermentation est un procédé de transformation millénaire qui, pour la fabrication de produits alimentaires (yahourt, pain, bin, bière, choucroute, fromage, saucisson, …), fait intervenir des microorganismes (bactéries, levures, moisissures).
Ces techniques de transformations alimentaires reviennent sur le devant de la scène, notamment au travers de programme comme Ferment du Futur, initié en 2022 par l'ANIA et l'INRAE pour accélérer la recherche et l’innovation sur les ferments, les aliments fermentés et la biopréservation. En effet la fermentation présente de nombreux avantages :
- Amélioration du goût, de la texture et de l’odeur de produits fermentés traditionnels et de nouveaux aliments
- Amélioration des valeurs nutritionnelles des aliments et augmentation de la biodisponibilité de certaines nutriments (vitamines, minéraux, protéines, fibres, …)
- Diminution de l’impact environnementale et valorisation de co-produits agricoles pour limiter le gaspillage alimentaire.
- Développement de méthodes naturelles de conservation, sans avoir besoin d’utiliser de conservateurs ou de stabilisants.
- Impact sur la santé à long terme, avec la découverte de probiotiques, prébiotiques et postbiotiques.
La fermentation dite traditionnelle est celle bien connu de tous et permet la transformation d’une matière première par des microorganismes en un aliment. De plus cette transformation s’effectue avec très peu de pertes : la matière première engagée devient dans sa totalité l’aliment transformé. C’est un réel avantage dont l’impact sur l’environnement est limité.
Avec l’évolution des connaissances et des technologies, deux autres types de fermentation se sont développés : la fermentation de biomasse et la fermentation de précision.
4.3.2. La Fermentation de Biomasse
Avec la fermentation dites de biomasse, le principe est de faire multiplier des microorganismes et de produire ce que l’on appelle de la biomasse. Cette biomasse est cultivée dans des fermenteurs, un peu comme la levure qui fabrique la bière, et va être récoltée pour être transformée en ingrédients. Cette technique est souvent utilisée pour produire des compléments alimentaires, comme les extraits de levure. On voit maintenant l’utilisation de cette technique pour réaliser des ingrédients protéinés, comme chez Mycellium Technologies, ou des arômes comme avec Fungu'it.
L’intérêt de cette technologie en terme environnementale, c’est qu’elle nécessite peu de ressources, comme l’eau potable et qu’elle permet de valoriser des co-produits.
4.3.3. La Fermentation de Précision
Selon Food Fermentation Europe et Precision Fermentation Alliance, la fermentation de précision combine le procédé de fermentation traditionnelle avec les dernières avancées en biotechnologies dans le but de produire des molécules d’intérêts telles que des protéines, arômes, vitamines, pigments ou graisses. C’est un procédé utilisé depuis plus de 30 ans dans le domaine de la santé, notamment pour produire l’insuline à partir de microorganismes et permettant de s’affranchir d’un modèle de production utilisant l’élevage animal. Dans l’agroalimentaire, cette technologie sert aujourd’hui à produire la présure, enzyme permettant de faire coaguler le lait et de la transformer en fromage, sans avoir à l’extraire de l’estomac des veaux.
Le procédé est simple, on utilise des microorganismes qui ont été modifiés pour produire la molécule voulue. Ces microorganismes, sont cultivés dans des fermenteurs et vont produire des molécules. Il suffit ensuite de récupérer la molécule voulue en la purifiant.
Certaines entreprises ont vu récemment le jour et développe la fermentation de précision afin de produire des protéines laitières. C’est le cas en France avec les entreprises Nutropy, Standing Ovation et Bon Vivant, qui cherchent à révolutionner le secteur des produits laitiers. D’ailleurs Bon Vivant à récemment publié une étude d’impact environnemental de leur procédé à l’échelle pilote et les résultats sont encourageants, avec une réduction de :
- 70 % des émissions de CO₂,
- 95 % de l'utilisation de terres,
- 80 % de l'utilisation d'eau par rapport à la production classique.
4.4. Agriculture Cellulaire 🥩
Le principe de l’agriculture cellulaire est le même que celui de la fermentation de précision. Cependant plutôt que d’utiliser des microorganismes, ce sont des cellules animales qui vont être cultivées pour produire des muscles, des matières grasses ou de la viande.
Cependant, il faut faire attention à l’effet rebond que ces technologies pourraient générer, notamment au niveau des ressources utilisées pour nourrir les microorganismes. L’ingrédient qui est principalement utilisé est le glucose. C’est une ressource largement disponible et peu chère, cependant elle demande de grande quantité de culture de céréales, comme le maïs. Si l’on venait à démocratiser ce procédé à grande échelle, il faudrait produire plus de glucose et donc avoir encore plus de cultures céréalières. On retournerait dans le paradoxe de devoir nourrir des microorganismes, en monopolisant des surfaces agricoles qui pourraient nous nourrir directement.
Des solutions existent, comme l’utilisation de co-produits, non valorisés dans l’alimentation humaine et qui représentent une ressource non-négligeable pour cultiver des microorganismes ou des cellules.
En parlant de co-produit, vous avez compris que la valorisation et les innovations responsables nous tenaient à cœur. En pâtisserie, on retrouve de nombreux procédés de fabrication qui génèrent des co-produits : casses de macarons, chutes de meringues ou encore de biscuits. C’est pour cela que nous avons développé une première mondiale : la première recette permettant d'imprimer des macarons, à partir de coques cassées qui ne peuvent être utilisées.
5. Biotechnologies et Impression 3D 🧬
Tout au long de cet article, vous avez pu remarquer des clins d’œil subtils qui font intervenir l’impression 3D en lien avec les biotechnologies alimentaires. En effet, là où les biotechnologies permettent de créer de nouveaux ingrédients, ou de nouvelles manières de les produire, l’impression 3D vient en support pour valoriser ces innovations et les faire évoluer.
C’est le cas de l'impression 3D de viande, ou encore de pizza et il ne sera pas étonnant de voir demain des imprimantes au services de la fermentation de précision pour reproduire des fromages et des œufs que l’on pourra utiliser pour continuer de faire de la pâtisserie, toujours plus innovante.
Et tout cela sans s’éloigner de nos objectifs environnementaux. En diversifiant toutes ces solutions et en surveillant l’effet rebond qu’elles peuvent causer. La transition alimentaire sera faite d’une alliance entre la sobriété dans nos habitudes de consommation et le développement de technologies raisonnables et durables.