Quand l'Impression 3D Transforme les Co-Produits Alimentaires en Gourmandises Durables
L'impression 3D alimentaire transforme progressivement la manière dont nous concevons, produisons et consommons nos aliments. Elle ouvre aussi de nouvelles perspectives, notamment dans la réduction du gaspillage alimentaire et l'optimisation des ressources. Le monde de la fabrication additive travaille depuis de nombreuses années sur l’utilisation de ressources sous-valorisées, comme les déchets (copeaux de bois, huile de friture par exemple). Dans le domaine alimentaire, des initiatives existent également pour utiliser des co-produits comestibles – ces sous-produits souvent négligés – pour créer des aliments innovants et durables.
Évidemment il y a urgence à s’emparer de ces sujets. Face à l’explosion démographique à venir, nous devons être capable d’ici 40 ans d’augmenter notre production de nourriture autant que nous l’avons fait sur les 8000 dernières années. Et de doubler la quantité de nourriture disponible d’ici 2050.
Les chiffres de la FAO et de l’Unicef sont accablants :
- 30 % de la production alimentaire mondiale est gâchée
- 2,3 milliards de personnes sont en état d’insécurité alimentaire dans le monde
- Plus de 870 millions de personnes souffrent de la faim
- En sauvant 25% de la production alimentaire gâchée, on peut résoudre le problème de la faim.
.Un défi énorme, qui passe par la rationalisation des pertes tout le long de la chaine de production, de stockage et de distribution. Et où l’impression 3D alimentaire se présente comme une véritable alternative.
Depuis la création de la Pâtisserie Numérique en 2019, nous mettons en place une technologie durable et nous avons voulu travailler sur la question du gaspillage alimentaire et de l’économie circulaire. Nous nous sommes concentrés sur 2 champs d’application :
- mettre au point une imprimante 3D et des consommables limitant la consommation des ressources
- mener des recherches sur la valorisation des coproduits grâce à l’impression 3D, en interne et en partenariat avec des laboratoires de recherche.
Dans cet article, nous vous invitons à découvrir comment l'impression 3D alimentaire, dans des laboratoires de recherche et à travers nos initiatives concrètes, peut transformer les co-produits en véritables trésors gastronomiques. Dégustation à l’appui !
Le projet SUS-Print : Sustainable Foods by 3D Food Printing
Depuis 2023, la Patisserie Numerique fait partie d’un consortium d’industriels de l’agro-alimentaire partenaires du projet SUS-Print développé par l’université de Wageningen et TNO Eindhoven.
L’objectif de ce programme de recherche est de combler les lacunes en matière de connaissances et de surmonter les obstacles technologiques dans la production d'aliments à base de plantes de nouvelle génération. En utilisant des protéines végétales et alternatives avec une faible techno-fonctionnalité et en valorisant les sous-produits alimentaires périssables grâce aux technologies d'impression 3D, le programme vise à produire des aliments à base de plantes plus sains, plus durables et personnalisables.
Le Contexte
Des fonctionnalités technologiques importantes des protéines, telles que la capacité de liaison eau/huile, la solubilité, la gélification, l'émulsification, entre autres, font défaut dans les protéines végétales alternatives comme la fève, le haricot mungo et les algues, pour n'en citer que quelques-unes. Par conséquent, les protéines végétales avec une faible techno-fonctionnalité sont difficiles à utiliser, notamment dans les applications d'analogues de viande/poisson à base de plantes utilisant les technologies traditionnelles de transformation alimentaire.
L'utilisation d'une imprimante 3D de structuration des protéines offre plusieurs avantages par rapport aux procédés alimentaires traditionnels, en particulier lors de l'utilisation d'ingrédients et de matériaux à faible techno-fonctionnalité.
La combinaison des Protéines alternatives (végétales, bactériennes/fongiques, micro-algues) avec des Co-produits (surplus de fruits et légumes, co-produits agro-industriels) et la Technologie d'impression 3D sont au cœur du projet SUS-PRINT (Technologie durable, Valeur ajoutée innovante, Produits sains, Personnalisés)
Ambition du projet
SUS-PRINT permettra la production locale et à la demande d'aliments personnalisables, sains et durables, et contribuera à minimiser les déchets en employant une imprimante 3D modulaire de structuration des protéines, qui peut être facilement déployée dans les zones locales. En fin de compte, la création d'aliments à valeur ajoutée à partir d'ingrédients locaux dans le cadre de SUS-PRINT diversifiera l'offre d'aliments protéinés durables disponibles pour divers consommateurs.
Approche
Le consortium SUS-PRINT, représentant des parties prenantes clés de l'industrie alimentaire, travaillera ensemble pour identifier, aborder et surmonter les défis et accélérer la disponibilité d'aliments durables, basés sur des protéines végétales alternatives. SUS-PRINT contribuera également à réaliser les objectifs de l'appel de mission TKI D2 (Le Consommateur, Alimentation Durable et Saine, dans un Environnement Vert) en se concentrant sur :
- La valorisation des sous-produits périssables (par exemple, en utilisant le surplus périssable de fruits et légumes) et des protéines alternatives à faible technofonctionnalité ;
- Le développement d'aliments sains et durables personnalisables pour divers consommateurs (tels que les personnes âgées, les jeunes, les cas d'utilisation spécifiques) ;
- L'amélioration des capacités d'une technologie clé (l'impression 3D alimentaire) ;
- La compréhension de l'interaction entre les ingrédients, la fonctionnalité et le processus de développement de structures/textures pour une nouvelle génération de produits alimentaires à base de plantes, plus sains et plus durables que ceux actuellement disponibles.
Les autres membres du projet SUS-Print sont Coöperatie Koninklijke Avebe, Barilla G. e R. Fratelli S.p.A., Kikkoman Europe R&D Laboratory B.V., SmallFood Inc., et Alfa Laval.
La technologie d’impression 3D employée est intéressante car elle permet une structuration des protéines. La photo ci-dessous présente des essais sur plateau mais elle peut se transposer sur d’autres procédés comme celui que nous exploitons.
Le projet de recherche est en cours et nous ne manquerons pas de publier de nouvelles photos d’impression de co-produits dès que nous y serons autorisés. Les produits imprimés jusqu’à présent sont salés plutôt que sucrés.
Les avantages environnementaux et économiques de l’intégration des co-produits sont nombreux. Sur le plan environnemental, elle permet de réduire le gaspillage alimentaire en valorisant les sous-produits qui seraient autrement jetés. Cela contribue à une économie circulaire, où les ressources sont réutilisées plutôt que gaspillées. De plus, l'utilisation des co-produits diminue la demande de nouvelles matières premières, réduisant ainsi l'empreinte carbone associée à leur production et transport.
Sur le plan économique, l'intégration des co-produits permet de transformer des déchets à faible valeur en produits alimentaires à valeur ajoutée, créant ainsi de nouvelles opportunités de revenus pour les entreprises. Elle favorise également l'innovation dans le développement de nouveaux produits, répondant à la demande croissante des consommateurs pour des options alimentaires durables et personnalisées. Enfin, elle peut réduire les coûts de production en exploitant des ressources disponibles localement, tout en soutenant des pratiques plus durables et éthiques.
Réutiliser les invendus de pain pour créer des biscuits imprimés en 3D
Le gaspillage alimentaire dans les pays développés est très diffèrent de celui des pays en voie de développement. Pour preuve, le rapport de la FAO sur le sujet :
Dans les pays industrialisés, le gaspillage concerne des aliments qui ont atteint le marché. Les habitudes d’achat des consommateurs aisés, qui trouvent normal de jeter et achètent plus de nourriture que leur famille ne peut en consommer, ne constituent qu’une partie du problème. Le gaspillage est également dû à un phénomène de surproduction, qui s’explique souvent par les subventions accordées pour les cultures et crée une offre trop importante par rapport à la demande, et au fait que des aliments sûrs sont régulièrement retirés des marchés ou des rayons des supermarchés en raison de la sévérité des règlementations. Lorsqu’on additionne tous ces facteurs, le gaspillage imputable aux consommateurs en Europe et en Amérique du Nord s’élève à 10 kg par personne et par mois; à titre de comparaison, en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud et du Sud-Est, ce chiffre n’est même pas atteint en un an.
Le gaspillage alimentaire en France : chiffres officiels
Si on se penche sur les chiffres de la France, on estime que nous jetons 60 kg/ an par Français et que 50% sont des denrées comestibles, donc gaspillées. Pami elle, le pain.
source : Ministère de l'Agriculture
Le cas du pain
La surproduction de pain est une réalité dans de nombreux pays.
En France, environ 1,3 million de tonnes de pain est jeté chaque année, soit l'équivalent de 5,2 millions de baguettes gaspillées. Le gaspillage de pain représente en moyenne : Environ 3 tonnes par an gaspillées dans chaque boulangerie traditionnelle (source Crumbler)
Il faut savoir également qu’un tiers des Français (33%) jettent du pain au moins une fois par mois. C'est le premier produit alimentaire gaspillé, à égalité avec les fruits (33%) et devant les légumes (31%) (source Le Monde des Boulangers).
Face à cette problématique, des solutions sont proposés aux producteurs de pain pour recycler leurs invendus sous forme de chapelure, en l’incorporant dans différentes recettes traditionnelles. A la Pâtisserie Numérique, nous avons également réalisés des essais pour les exploiter dans nos impressions 3D, afin de valoriser encore plus ces ressources qui sont jetées.
Les défis liés à l’impression 3D de chapelure de pain
Notre imprimante 3D Patiss3 fonctionne en liant un appareil liquide avec une poudre de blé suivant un dessin 3D. Cette poudre de blé mise au point au cours de notre phase de R&D présente des caractéristiques physico-chimiques, qui assurent la réussite de l’impression. Il ne s’agit pas d’une farine du commerce, mais d’une poudre issue d’un procédé de production que nous avons mis au point. Une des caractéristiques de cette poudre est qu’elle peut être réutilisée à chaque impression et en cuisson, sans perdre ses propriétés. Cela permet de limiter les pertes au maximum.
Malheureusement, on ne peut pas substituer tout simplement cette poudre avec de la chapelure de pain. Une explication simple est que le gluten a été activé dans le process de fabrication du pain et que le gluten est nécessaire dans la pâte sablée pour assurer la tenue du biscuit. Et la chapelure de pain issue d’un broyage n’est pas recyclable à l’infini.
Nous avons réalisé 2 types d’essais :
- Incorporer de la chapelure de pain en mélange avec notre poudre de blé pour impression 3D de biscuits
- Traiter la chapelure de pain par notre procédé de préparation de poudre
Les premiers essais sont concluants sur les 2 pistes.
Nous arrivons à incorporer une bonne dose de chapelure de pain dans la poudre de blé pour impression 3D et nous obtenons des biscuits savoureux, qui se tiennent à la reprise en humidité et à la conservation. Dans certains de nos essais nous avons réussi à monter à 50%, mais cela dépend beaucoup du type de pain en entrée (pain blanc, pain de seigle etc…)
Nous cherchons à augmenter ce ratio au maximum dans le second type d’essai. Pour le moment, nous n’avons pas de meilleurs résultats que ceux menés avec la première piste. Cependant, nous n’avons pas conduit autant d’essais avec la seconde piste que la premiere, donc nous ne pouvons pas conclure si l’une est plus prometteuse que l’autre.
Nos essais présentés aux médias
Les essais de réutilisation de la chapelure de pain dans l'impression 3D alimentaire ont suscité un intérêt immédiat, attirant l'attention des médias internationaux. Cette approche novatrice, qui valorise un co-produit souvent négligé, a été mise en lumière par la chaine de télévision japonaise TBS, qui a filmé notre laboratoire d’applications à Louviers et diffusé un reportage captivant sur ces recherches en aout 2024.
Ce segment, désormais accessible sur YouTube [Lien vers la vidéo YouTube], va permettre de sensibiliser un large public à l'importance de la réduction du gaspillage alimentaire et à l'énorme potentiel des technologies d'impression 3D pour transformer des résidus alimentaires en produits à haute valeur ajoutée.
Cette médiatisation renforce la visibilité de notre projet, mais nous espérons qu’elle va encourager d'autres acteurs de l'industrie alimentaire à explorer des solutions similaires, marquant ainsi un pas de plus vers une production alimentaire plus durable et innovante.
Quelles perspectives d’avenir pour l’impression 3D alimentaire de co-produits et La Patisserie Numérique
Tendances émergentes et potentiel futur
De façon générale, l'avenir de l'impression 3D alimentaire, en particulier avec l'intégration des co-produits, s'annonce prometteur, avec des perspectives d'innovation continue et de transformation de l'industrie alimentaire. Les tendances émergentes montrent un intérêt croissant pour les aliments personnalisés, durables et sains, et l'impression 3D se positionne comme une technologie clé pour répondre à ces attentes.
À mesure que les technologies de structuration des protéines et de transformation des co-produits se perfectionnent, nous pouvons envisager la production de nouveaux types d'aliments à base de plantes, offrant non seulement une alternative aux protéines animales, mais aussi une solution pour réduire l'empreinte écologique de notre alimentation. De plus, l'intégration de l'impression 3D dans les chaînes d'approvisionnement locales permettrait une production à la demande, minimisant les transports et le gaspillage, tout en offrant aux consommateurs des produits frais, adaptés à leurs besoins nutritionnels et préférences gustatives.
C’est tout l’enjeu du projet de recherche SUS-Print mené par Laurice Pouvreau et les équipes de Wageningen University et nous sommes particulièrement fiers de soutenir financièrement ce projet très prometteur au côté d’autres industriels.
En interne, nos premiers essais concluants avec la chapelure de pain ouvrent également de nouvelles perspectives à notre innovation. En offrant la possibilité de recycler et de valoriser des invendus, l’imprimante 3D Patiss3 se positionne encore plus comme l’alliée des artisans pour produire localement à 100% du beau, du bon et de manière durable.
Nous allons donc poursuivre nos recherches dans le futur suivant 2 axes :
- Tenter d’incorporer de la chapelure de pain dans notre poudre pour réduire son cout et augmenter notre impact en tant qu’acteur de l’économie circulaire
- mettre au point les protocoles de réutilisation de pain sous forme de chapelure pour nos clients afin qu’ils utilisent leurs invendus.
De nouvelles opportunités pour l'industrie alimentaire avec l’impression 3d
Enfin, nous souhaitons terminer cet article en rappelant que l'adoption à grande échelle de l'impression 3D alimentaire ouvre des opportunités considérables pour l'industrie, en particulier en matière de diversification des produits et de création de nouvelles niches de marché.
En exploitant les co-produits et les protéines alternatives, les entreprises peuvent développer des produits innovants qui répondent aux préoccupations environnementales et éthiques des consommateurs tout en offrant des options alimentaires plus nutritives et variées.
La technologie de fabrication additive des aliments offre également la possibilité de répondre aux besoins spécifiques de certains segments de la population, tels que les personnes âgées ou celles ayant des régimes alimentaires particuliers, en proposant des aliments adaptés à leurs exigences.
Par ailleurs, l'impression 3D peut être intégrée dans des modèles de production plus décentralisés, permettant à des petites entreprises ou à des producteurs locaux de rivaliser avec les grandes industries en proposant des produits uniques et personnalisés.
Finalement, en soutenant la recherche et le développement dans ce domaine, l'industrie alimentaire pourrait non seulement améliorer sa compétitivité, mais aussi jouer un rôle crucial dans la transition vers une alimentation plus durable et résiliente, adaptée aux défis du XXIe siècle.
En conclusion
Par cet article, nous espérons vous avoir mis l’eau à la bouche… et surtout démontré sous un autre angle que l'impression 3D alimentaire représente une avancée majeure pour tous ceux qui sont concernés par la production de nourriture. Elle offre des opportunités uniques pour créer des produits innovants, durables et éthiques. En intégrant les co-produits alimentaires, tels que la chapelure de pain ou les surplus de fruits et légumes, cette technologie transforme les déchets en ressources précieuses, contribuant ainsi à l'économie circulaire et à la réduction du gaspillage alimentaire.
Notre collaboration avec les laboratoires de recherche et nos propres essais en interne démontrent le potentiel énorme de cette approche, non seulement pour produire des aliments plus sains et plus respectueux de l'environnement, mais aussi pour répondre à la demande croissante de produits à base de plantes.
Bien que des défis techniques et réglementaires subsistent, notamment en ce qui concerne la techno-fonctionnalité des protéines végétales alternatives, les avantages économiques et environnementaux sont indéniables. Les innovations en matière de structuration des protéines et d'impression 3D ouvrent la voie à une nouvelle génération d'aliments, offrant des solutions sur mesure pour divers consommateurs, qu'il s'agisse de répondre à des besoins nutritionnels spécifiques ou de limiter l'empreinte carbone de notre alimentation.
Si ce sujet vous intéresse, n’hésitez pas à nous contacter, nous serons heureux de travailler avec vous pour la transformation de notre système alimentaire, en le rendant plus résilient, écologique et adapté aux besoins de notre siècle.